D’après nos recherches et nos sources d’information, nous avons compris que l’arrêt momentané du projet Lafarge à Briare repose sur deux points :
- D’une part, les autorisations d’installation de carrières dans les lits majeurs des fleuves et rivières obéissent à des normes. Elles sont définies au niveau régional et déclinées ensuite au niveau départemental. Les autorisations reposent sur des critères que l’on appelle des « quotas » et qui définissent la quantité de granulats extractibles par an et par région (puis par département). En région Centre-Val de Loire, à la fin des années 90, l’état de surexploitation de certaines vallées de la région a conduit les services de l’État à fixer, en concertation avec la profession, un objectif annuel de réduction des extractions en lit majeur. Depuis 2010, cet objectif est inscrit dans le Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Loire-Bretagne. Plus précisément, la disposition 1F-2 du SDAGE 2016-2021 prévoit une réduction progressive des extractions d’alluvions dans les lits majeurs, de 4 % par an. (Cf Observatoire régional des carrières Région Centre) Or, les quotas d’extraction sont dépassés dans le Loiret pour 2023 et donc aucune carrière de granulats alluvionnaires ne peut avoir d’autorisation d’exploitation en 2023. Bien que nous ayions identifié l’existence de ces quotats dans nos recherches, nous n’avions pas connaissance que les quotas étaient atteints pour 2023 et à quel stade de l’étude du projet, cette régle pouvait arrêter le projet. C’est le département qui a fourni l’information aux élus de Briare suite à la demande d’un particulier, semble-t-il.
- D’autre part, Lafarge qui était très certainement au courant de ces quotas, n’a pas déposé de dossier de demande en préfecture pour sa carrière. En revanche, l’entreprise a bien rencontré par deux fois en 2023 des membres du conseil municipal de Briare (une fois à la mairie, et une fois sur le site d’extraction et de concassage de Dordive), ainsi que la Communauté de communes en 2022. Lors de ces rencontres, elle a présenté son projet et diffusé un document d’information. Ceci probablement dans l’intention de faire modifier le PLUi (Plan local d’urbanisme intercommunal), une étape préalable essentielle à la demande d’exploitation. Les hésitations du Conseil Municipal d’une part, nos actions d’autre part, ont abouti à ce qu’aucune demande de modification du PLUi ne soit faite à la Communauté des Communes.
Pourquoi il faut rester vigilants et mobilisés ?
Ce qui précède mérite trois points de réflexion supplémentaires :
- Tout d’abord, les quotas d’extraction du Loiret peuvent parfaitement être modifiés l’année prochaine ou plus tard si jamais, par exemple, l’une des 7 carrières en activité dans un lit majeur de rivière dans le département du Loiret venait à s’arrêter. Ou encore pour d’autres raisons techniques, administratives ou autres : par exemple, il existe des mécanismes dérogatoires et des possibilités d’échanges de quotas entre départements. Alors, les quotas du Loiret seraient relevés et permettraient au projet de Lafarge à Briare d’être déposé en préfecture.
- Ensuite, pour que Lafarge puisse installer sa carrière à Briare, au plan administratif il faut d’une part un accord de la mairie et d’autre part une modification du PLUI (Plan local d’urbanisme intercommunal) : le terrain que possède Lafarge à Briare est en effet un terrain à vocation agricole, et il faudrait donc en modifier la vocation, ce que la Communauté de communes peut faire.
- Enfin, Lafarge, bien que connaissant parfaitement le mécanisme des quotas, a tenu à rencontrer par trois fois nos élus locaux : cela signifie que l’entreprise a une stratégie sur le long terme. Elle possède ses 158 ha de terrain, elle a planté il y a 30 ans des rangées d’arbres, et elle a les reins assez solides et un cynisme à toute épreuve, ce qui lui permet d’attendre – voire de susciter – une éventuelle modification des quotas et surtout du PLUI. D’où, très certainement, la présentation de son projet devant la Communauté de communes en 2022.